Les Incontournables - Françoise Dolto

« Autonomiser un enfant, c’est le laisser prendre sa liberté et en user »Françoise Marette Dolto est née le 6 novembre 1908 dans une famille bourgeoise catholique et monarchiste. Sa mère Suzanne Demmler, d’origine alsacienne, est fille de polytechnicien et son père Henri est lui aussi polytechnicien. C’est le quatrième enfant d’une fratrie de sept.À huit ans, elle parle de devenir, selon ses propres termes, « médecin d’éducation ». « Un médecin qui sait que quand il y a des histoires dans l’éducation ça fait des maladies aux enfants, qui ne sont pas de vraies maladies, mais qui font vraiment de l’embêtement dans les familles et compliquent la vie des enfants qui pourrait être si tranquille[1] ».

A douze ans, elle est profondément marquée par la mort de sa sœur Jacqueline, enfant préférée de sa mère qui, en pleine dépression[2], l’accuse de ne pas avoir assez prié pour la guérison de sa sœur.Pour sa mère, une fille n’a d’autre horizon que le mariage. Elle interdit donc à Françoise de poursuivre ses études et de passer son baccalauréat car elle ne serait plus mariable. Cependant, malgré cette interdiction, Françoise passe son bac, section philosophie, en 1925. En 1930, elle obtient son diplôme d’infirmière et un an après commence ses études de médecine avec son frère Philippe en payant ses études avec l’argent qu’elle gagne.

En 1932, elle rencontre le psychanalyste René Laforgue et participe aux débuts du freudisme français. Avec Laforgue, elle commence aussi une psychanalyse qui durera trois ans et qui la libèrera du poids de son éducation, de son milieu d’origine et de sa mère dépressive. Au cours de sa formation médicale, elle rencontre Sophie Morgenstern qui lui confiera la tâche d’écouter, et d’écouter seulement les enfants à soigner. « À la veille de la guerre, elle jette les bases d’une méthode psychanalytique de thérapie d’enfants centrée sur l’écoute de l’inconscient et débarrassée du regard psychiatrique »[3].

Toute sa vie Françoise Dolto fut une fervente militante de la « cause des enfants », faisant de l’enfant en souffrance et de ses rapports avec la mère son domaine de prédilection.En 1939, Françoise soutient sa thèse intitulée Psychanalyse et pédiatrie dans laquelle elle expose certaines bases de psychanalyse des enfants qu’elle développera tout au long de sa vie. Cette même année signe sa rencontre avec Jacques Lacan avec qui elle restera en contact durant toute son activité de psychanalyste. Elle devient aussi membre de la Société psychanalytique de Paris.

En février 1942, elle épouse Boris Ivanovitch Dolto, fondateur d’une nouvelle méthode de kinésithérapie en France avec qui elle partage son intérêt aux rapports entre le corps et le psychisme. Le couple aura trois enfants.Dans les années 1956-1957, elle commence à publier des textes importants. En 1960, elle expose au colloque international d’Amsterdam le rapport sur la sexualité féminine et devient une « figure majeure du mouvement psychanalytique »[4].En décembre 1962, Françoise Dolto participe activement à la création du Secrétariat du Père Noël de la poste aux côtés de son frère Jacques Marette, Ministre des postes et télécommunications.[5]

En 1964, elle participe avec Jacques Lacan à la création de l’Ecole freudienne de Paris. En 1971 paraît le Cas Dominique et une édition de sa thèse qui seront des succès en librairie et sont encore de nos jours réédités. Les idées majeures de ses œuvres sont « l’enfant est une personne », « tout est langage (gestes, regards…) », le « parler vrai » (ne pas mentir à un enfant car « on ne peut mentir à l’inconscient, il connaît toujours la vérité »), le « complexe du homard », métaphore employée par Dolto pour représenter la crise de l’adolescent : « L’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même ».[6]

De 1976 à 1978, sur France-Inter dans l’émission lorsque l’enfant paraît, elle répond au courrier des auditeurs en différé. Cette émission marquera son apogée médiatique et donnera du retentissement à ses idées.Elle eut une influence sur l’émergence du féminisme et l’évolution des mouvements féministes, mais fut radicalement opposée à l’avortement.

En 1980, l’Ecole freudienne est dissoute par Lacan qui meurt en 1981, tout comme son mari Boris. Atteinte de fibrose pulmonaire depuis 1984, Françoise meurt le 25 aout 1988. Elle a demandé que l’on grave sur sa pierre tombale « N’ayez pas peur » injonction de Jean-Paul II.

En France, beaucoup d’établissements scolaires portent son nom ainsi que de nombreuses rues (à Paris, Belfort, Poitiers, La Rochelle…).

Note

  • [1] Propos rapporté dans le documentaire vidéo Tu as choisi de naître ~ 3e minute
  • [2] Elisabeth Roudinesco et Michel Plon, Dictionnaire de psychanalyse, Paris, Fayard, 2011, p. 339
  • [3] Elisabeth Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France, éd. du Seuil, Paris, 1986, p. 170
  • [4] Gérard Guillerault, Comprendre Dolto : Une éthique positive du désir, Paris, Armand Colin, 2008, p. 35
  • [5] Valérie-Inès de La Ville & Antoine Georget, Le Père Noël de la Poste : La surprenante histoire de son secrétariat (1962-2012), Bruxelles, PIE Peter Lang, 2014, p. 197
  • [6] Ce qu'il faut retenir de Françoise Dolto